Salves
créé en 2010 / TNP de Villeurbanne dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon
Conception Maguy Marin
en collaboration avec Denis Mariotte
interprètes Ulises Alvarez, Teresa Cunha, Matthieu Perpoint, Ennio Sammarco, Augustina Sario, Jeanne Vallauri, Vania Vanneau
assistant Ennio Sammarco
direction technique et lumières Alexandre Béneteaud
conception et réalisation du dispositif scénique Michel Rousseau
éléments d'accessoires Louise Gros avec Pierre Treille
costumes Nelly Geyres
son Antoine Garry
Création au petit théâtre du TNP de Villeurbanne le 13 septembre 2010 dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon.
Lorsque j’ai entamé cette nouvelle pièce, il m’est revenu à l’esprit ce qui pour Turba nous a enthousiasmé dans le De rerum natura (1) de Lucrèce : les atomes déclinent perpétuellement, mais dans leur chute, ils font à un moment un écart dans leur course, le clinamen. Il suffit qu'un atome bifurque légèrement de sa trajectoire parallèle pour entrer ainsi en collision avec les autres d'où naîtra un monde, l'invention d'une forme nouvelle qui peut donner lieu à des conséquences inouïes.
De même, au sujet de la parabole de Franz Kafka sur laquelle s’appuie notre dernière pièce Description d’un combat, Hannah Arendt écrit que l’homme ouvre par sa présence une brèche dans le continuum du temps entre passé et futur, faisant ainsi dévier les forces antagonistes très légèrement de leur direction initiale en créant une force diagonale qui ressemble à ce que les physiciens appellent un parallélogramme de forces.
Faisant allusion à la « perte de l’expérience » de Walter Benjamin provoquée par la répétition des catastrophes collectives du XXème siècle qui ont transformé le présent en un champ de ruines dépourvu d’inscription dans l’histoire, c’est-à-dire sans mémoire ni devenir, Georges Didi-Huberman nous propose dans son livre, Survivance des lucioles (2) « d’élever, dans chaque situation particulière, cette chute à la dignité, à la beauté nouvelle, en faisant de cette pauvreté même une expérience selon la leçon de Walter Benjamin pour qui déclin n’est pas disparition. » Il faut « organiser le pessimisme » disait Walter Benjamin.
Travailler donc à faire surgir ces forces diagonales résistantes, sources de moments inestimables qui survivent à l’oubli, ces voix qui, du fond des temps, nous font signe.
Travailler notre pessimisme et nos peurs et ainsi échapper à celle, ambiante, qui nous écrase et nous rend impuissants, tristes et fourbus.
Cela, avec l’accompagnement de 7 interprètes, complices des créations antérieures.
Maguy Marin
(1) Lucrèce, De la nature des choses, traduction par Bernard Pautrat, Editions classiques de poche, 2002
(2) Georges Didi-Huberman, Survivance des lucioles, Editions de Minuit, 2009
coproductions Biennale de la danse de Lyon 2010,
Théâtre de la Ville de Paris,
Compagnie Maguy Marin / CCN de Rillieux-la-Pape